Le Mirage III et ses dérivés furent parmi les chasseurs européens les plus exportés ; la France, après la seconde guerre mondiale, a retrouvé sa place parmi les nations les plus avancées dans le domaine de l'industrie aéronautique grâce à eux. Produit en série dans quatre pays et commandé à plus de 1400 exemplaires par 22 forces aériennes (en comptant les Mirage 5 et 50), le Mirage III apparut à la fin des années cinquante, une époque qui paraît déjà lointaine ; toutefois, certaines versions dérivées sont encore en service, et pourraient y rester encore un certain temps.
Bon avion, à pas cher
La Générale Aéronautique Marcel Dassault conçut le premier prototype d'un avion à ailes en delta, le Mystère-Delta 550, au début des années cinquante, suite à un appel d'offres de l'armée pour un chasseur léger et bon marché capable d'atteindre 18000 m en six minutes, et Mach 1,3 en palier. Les premiers vols de ce biréacteur (à partir de 1955) dénotent un avion performant, qui frôle le Mach en piqué dès son quatrième vol, mais perfectible. La configuration aérodynamique évolue, la dérive est redessinée, les entrées d'air affinées... Et le nom changé : ce sera le Mirage I. Mais l'avion restait trop petit pour pouvoir emporter assez d'armement, et on en dériva, sur papier seulement, le Mirage II, plus gros et mieux propulsé.
Mais Dassault décida d'augmenter la complexité du projet et lança le Mirage III, plus lourd que le Mirage I et propulsé par un unique réacteur Atar. Ce réacteur axial produit par la Snecma était un descendant des réacteurs BMW 003 qui équipaient les Heinkel He 162 et les dernières versions de l'Arado Ar 234 à la fin de la Seconde Guerre.
Le 17 Novembre 1956 décolle de Melun-Villaroche le Mirage III 001, un chasseur-bombardier monoréacteur, équipé d'un réacteur plus puissant que son prédecesseur, et respectant la loi des aires (1). On l'équipe rapidement d'entrées d'air réglables par le biais de "souris", qui permettent d'en augmenter ou d'en réduire la section à volonté, lui ouvrant ainsi le domaine Mach 2. Grâce à ses performances hors du commun, l'appareil remporta immédiatement un succès considérable, et une commande pour 10 Mirage IIIA de pré-série arrive en 1957, suivie en 1959 par une autre de 95 Mirage IIIC de série (le Mirage IIIC étant un intercepteur).
Du Mirage IIIA au IIIR
Les Mirage IIIA de présérie sont plus longs que le prototype, avec des ailes plus fines (rapport épaisseur/corde de 4,5 % au lieu de 5 %), l'Atar 09B, un parachute de queue et un radar d'interception Thomson-CSF Cyrano Ibis. Un Mirage IIIA passe les Mach 2 en 1958 avec l'aide d'un moteur fusée SEPR, un record en Europe Occidentale. Le Mirage IIIC, première version de série importante, vola pour la première fois en 1960. Un peu plus long que le IIIA, il est pleinement opérationnel. Son armement fixe est de deux canons de 30 mm DEFA, et il a 3, puis 5 points d'attache pour diverses armes, telles que des pods roquettes ou des bombes moyennes. C'est le Mirage IIIC qui est exporté le premier, en Suisse (IIICS), en Israël (IIICJ) et en Afrique du Sud (IIICZ). Les Israëliens feront bon usage de leurs Mirages, comme nous le verrons plus bas.
Le Mirage IIIE suit en 1960, et étend les missions des Mirage III à l'attaque au sol. Lui-même rallongé par rapport au Mirage IIIC pour augmenter la capacité en carburant et l'espace pour l'avionique, il est équipé du radar multimode (air, sol) Thomson-CSF Cyrano II, d'un système RWR (Radar Warning System, qui alerte lorsqu'un radar vous traque), et de la version 09C de l'Atar. 192 appareils furent livrés à l'armée de l'air, et 523 furent produits en tout. Beaucoup de pays étrangers achetèrent des Mirage IIIE, souvent en demandant des modifications que Dassault opérait sans rechigner. On retrouve parmi les clients l'Argentine, le Brésil, le Liban, le Pakistan, l'Afrique du Sud, l'Espagne et le Vénézuela.
Il fut aussi construit sous license en Australie (IIIO), où il emporta le marché sur le F-104 Starfighter grâce notamment à son aspect multirôle. Les Suisses produisirent aussi des Mirage IIIS sous license, avec un nouveau radar (Hughes TARAN 18). Au début des années 90, les Mirage IIIS furent remis à jour avec une nouvelle avionique et des plans canards fixes. Une variante de reconnaissance, le IIIR, exista aussi et fut aussi exportée, notamment en Suisse (IIIRS). Ces appareils avaient une cellule de IIIE couplée à l'avionique des IIIC, en plus de l'appareillage de reconnaissance nécessaire dans le nez.
Versions biplaces
Dassault s'occupa bien entendu aussi de l'entraînement des futurs pilotes de Mirage, avec le Mirage IIIB, biplace d'écolage. Plusieurs versions se succédèrent : les IIIB-1, IIIB-2 avec une perche de ravitaillement factive pour l'entraînement au ravitaillement en vol des pilotes de Mirage IV, et Mirage IIIBE, calqués sur le Mirage IIIE. Là aussi, les dénominations des versions export sont assez compliquées, et ne seront pas explorées en détail.
L'histoire de la série continuera par la suite avec les Mirage 5 et 50, qui connaîtront autant de succès à l'export que les Mirage III.
Le Mirage en service
Les Israéliens utilisèrent brillamment leurs Mirage III C en tant que chasseurs pendant la guerre des Six Jours (Juin 1967) contre les MiG-21 de l'Egypte, la Jordanie et la Syrie. L'avion se prêtait bien à ce genre de guerre, grâce notamment à sa disponibilité : certains appareils accomplirent jusqu'à douze sorties par jour, avec des temps de ravitaillement de sept minutes au lieu de vingt en temps normal. Les performances de l'avion au combat et la nette supériorité aérienne qu'Israël réussit à s'approprier expliquent en partie son grand succès à l'export. Il fut de nouveau utilisé pendant la guerre de 1973, ayant cette fois-ci en face d'autres Mirage arabes.
Les Argentins utilisèrent aussi des Mirage, pendant la guerre des Malouines : aussi bien des Mirage IIIEA français que des Nesher israéliens (Mirage 5 construits localement), rebaptisés Dagger. Etant à la limite de leur rayon d'action, les Mirage israéliens n'eurent pas un gros impact sur les combats. Les raids Black Buck de la RAF, utilisant des Vulcan depuis l'île d'Ascension pour bombarder Port Stanley, firent craindre des raids sur Buenos Aires, et les Mirage furent dédiés à la défense du ciel argentin.
(1) La "loi des aires" est la raison derrière la "taille de guêpe" des Mirage III. Coupez un avion perpendiculairement au fuselage, et mesurez l'aire de la section ainsi obtenue. La loi des aires exige alors que l'aire des sections de l'avion ne varie pas trop en parcourant la longueur de l'avion, ce qui implique un affinement du fuselage au niveau des ailes (puisque les ailes augmentent la section, on diminue celle du fuselage pour compenser un peu).
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